Données migratoires en Afrique de l’Ouest
L'Afrique de l'Ouest1 est de longue date caractérisée par des niveaux élevés de mobilité, un phénomène bien antérieur à la configuration actuelle des frontières établie à l'époque coloniale. Au milieu de l'année 2020, environ 7,6 millions de migrants internationaux résidaient dans la sous-région (UN DESA, 2020), et ce chiffre est probablement sous-estimé, car les niveaux élevés de migrations temporaire et saisonnière, courantes en l'Afrique de l'Ouest ne sont pas entièrement enregistrés par les données existantes. La mobilité intrarégionale a été facilitée par les politiques régionales de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), notamment le régime de libre circulation des personnes mis en place depuis la fin des années 1970. Alors que plus des quatre les deux tiers des migrants d'Afrique de l'Ouest sur huit continuent de se déplacer au sein de la région, un nombre croissant de personnes se déplacent également vers d’autres destinations, en Afrique et au-delà, à la recherche d'opportunités d'emploi et de meilleures perspectives économiques.
COVID-19
La pandémie de COVID-19 a eu un impact sur la mobilité et la migration dans toute l'Afrique de l'Ouest. Tous les pays de la sous-région ont fermé leurs frontières terrestres et aériennes, restreint certains mouvements internes et interdit à leurs citoyens de rentrer. Au plus fort des restrictions en avril 2020, l'OIM a estimé que 21 000 migrants étaient bloqués en Afrique de l'Ouest et du Centre (OIM, 2020a).
L'OIM a enregistré une forte baisse des flux migratoires aux principaux points de transit de la région en mars et avril 2020, peu après la mise en place de restrictions. Les flux ont augmenté au cours des mois suivants et des mouvements transfrontaliers soutenus ont été observés dans de nombreux pays malgré les fermetures officielles des frontières (OIM, 2020b; OIM, 2020c). En octobre 2020, presque tous les pays avaient rouvert leurs aéroports aux vols internationaux, mais de nombreuses frontières terrestres restaient fermées.
Le COVID-19 a également eu un impact sur la préparation et le mise en œuvre des recensements de populations dans la région. Bien que des recensements aient été prévus dans huit pays en 2020, plusieurs envisagent de les reporter à 2021.
PAYS HÔTES
L’Afrique de l’Ouest accueillait 7,6 millions de migrants internationaux en milieu de l'année 2020 . Près de 34% (2,6 millions) de ces migrants vivaient en Côte d’Ivoire et 17% au Nigeria (1,3 millions) (UN DESA, 2020).
PAYS DE DESTINATION
La plupart des migrants originaires des pays d'Afrique de l'Ouest restent dans la région. En effet, en 2020, les deux-tiers des migrants originaires de la région vivaient dans un autre pays d'Afrique de l'Ouest. Cependant, les destinations des flux migratoires se sont diversifiées ces dernières années. La part des migrants d'Afrique de l'Ouest résidant en Amérique du Nord est passée de 3% de tous les migrants originaires d'Afrique de l'Ouest en 1990 à 10% en 2020, et la part en Europe est passée de 12% à 19% au cours de la même période (UN DESA, 2020).
MOTIFS DE MIGRATION
Comme dans d'autres régions du monde, la plupart des migrants d'Afrique de l'Ouest sont à la recherche d’un emploi et de meilleures opportunités économiques. Afro baromètre a constaté, lors d’une étude conduite dans 14 pays de l’Afrique de l’Ouest2, que 70 à 90% des personnes interrogées citaient les considérations économiques (y compris «trouver du travail», «difficultés économiques», «pauvreté» et «meilleures perspectives commerciales») comme la raison la plus importante pour laquelle elles envisageraient d’émigrer. Poursuivre des études, rejoindre des membres de la famille à l'étranger et partir à l'aventure étaient d'autres raisons fréquemment citées, mais ne représentaient pas plus de 25% des réponses (Afro baromètre, 2019).
MIGRATION DE MAIN-D'ŒUVRE
Un pourcentage élevé de travailleurs migrants travaille dans le secteur informel, de manière comparable à la population générale dans la région, où l'emploi informel prédominant (Awumbila et al, 2014; Mbaye et Gueye, 2018). La migration de main-d'œuvre prend de nombreuses formes, y compris la migration temporaire, saisonnière et permanente (ICMPD et OIM, 2015), et implique de nombreux secteurs d'emploi, tels que l'exploitation minière en Guinée, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal. Selon les estimations, 3,7 millions de travailleurs migrants vivaient dans les pays de la CEDEAO en 2017, dont 1,6 million de femmes, et les jeunes (15-35 ans) représentaient 46% de tous les travailleurs migrants (Union africaine, 2020).
TRANSFERTS DE FONDS
Les pays d'Afrique de l'Ouest ont reçu 27 milliards de dollars américains en envois de fonds en 2020. Le Nigeria, le plus grand bénéficiaire de l'Afrique subsaharienne en termes absolus, a reçu près de 64 % de ce total (17,2 milliards), tandis que la Gambie (15,6%) et le Cap Vert (13,9%) ont reçu les montants les plus importants en pourcentage du PIB. Bien que les estimations pour 2020 montrent que les envois de fonds vers la sous-région ont chuté de 19,3 pour cent en raison de COVID-19, les envois de fonds vers cinq des 15 pays pour lesquels des données sont disponibles ont augmenté. Les envois de fonds reçus au Nigeria ont chuté de 27,7 pour cent en 2020, tandis que les envois de fonds reçus en Gambie ont augmenté de 5 pour cent (Banque mondiale, 2021).
DÉPLACEMENTS FORCÉS
Les déplacements forcés internes et transfrontaliers dans les régions du bassin du lac Tchad et du Sahel central ont fortement augmenté ces dernières années :
Sahel central : Le Sahel central est le foyer de l’une des crises à la croissance la plus rapide au monde, dont l’insécurité et la violence bouleverse la vie et les moyens de subsistance d’un nombre croissant de civils. Au Burkina Faso, le nombre de personnes déplacées internes (PDI) est passé de 47 000 en 2018 à plus d'un 1,1 million en mars 2021 (OIM, 2021). La crise au Sahel central a également entraîné le déplacement forcé de 331 206 personnes au Mali et 138 229 personnes au Niger en raison de l'escalade de la violence et des chocs climatiques (OIM, 2021).
Bassin du lac Tchad : L'insurrection de Boko Haram qui dure depuis dix ans au Nigeria continue de provoquer une insécurité généralisée et des déplacements dans tout le bassin du lac Tchad. En avril 2021, plus de 2,9 millions de personnes étaient déplacées internes dans les zones du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigeria touchées par la crise, dont 72% (plus de 2,1 millions) au Nigeria. Plus de 256 000 réfugiés nigérians ont également été déplacés par la crise , principalement au Cameroun et au Niger (OIM, 2021).
ARRIVÉES EN EUROPE
Le nombre de migrants atteignant l'Europe via la Route de la Méditerranée centrale (CMR) et la Route de la Méditerranée de l’Ouest (WMR) a diminué entre 2017 et 2019. En outre, à partir de 2018, l’Espagne a observé un nombre croissant d’arrivées de voyageurs en provenance de l’Afrique de l’Ouest, au détriment de l’Italie (Fedorova et Shupert, 2020). Les arrivées en Europe le long de la WMR (à destination de l’Espagne) ont continué de diminuer au cours du premier semestre 2020, mais ont augmenté en Italie et à Malte (Schöfberger et Rango, 2020). Le nombre de migrants effectuant la traversée de l'Afrique de l'Ouest vers les îles Canaries espagnoles a fortement augmenté en 2020, avec 16 760 arrivées entre janvier et novembre 2020, soit une augmentation de plus de 1 000% par rapport à la même période en 2019 (OIM, 2020f).
RETOUR VOLONTAIRE ASSISTÉ ET RÉINTEGRATION (AVRR)
Le Niger était le premier pays d'accueil pour le retour volontaire assisté et la réintégration en 2019, avec plus de 16 000 bénéficiaires assistés par l'OIM. Cinq des dix principaux pays d'origine des bénéficiaires de l'AVRR se trouvaient également en Afrique de l'Ouest et les bénéficiaires de la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre représentaient 35 pour cent du nombre total de cas d'AVRR de l'OIM. 88% de ces migrants étaient des hommes et 8% des enfants (OIM, 2020g).
TRANSHUMANCE
Les mouvements de transhumance sont une composante importante de la mobilité interne et transfrontalière dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest, mais sont difficilement mesurables à travers la plupart des collectes de données migratoires existantes. Dans certains pays sahéliens, la production animale représente 40% du PIB agricole, mais le développement agricole, la multiplication des conflits et le changement climatique ont eu un impact sur les schémas de déplacement traditionnels (OIM, ICMPD et CEDEAO, 2019). L'Outil de suivi des mouvements transhumants de l'OIM a récemment été mis en œuvre au Burkina Faso pour quantifier et anticiper les mouvements de transhumance (Jusselme, 2020).
Des débuts de l’Histoire à la période coloniale
L'Afrique de l'Ouest est témoin depuis longtemps de niveaux élevés de migration intrarégionale. Les gens se déplaçaient traditionnellement pour des raisons telles que le commerce, l'agriculture, la dégradation de l'environnement / le climat et les conflits (Adepoju, 2005; Bakewell et De Haas, 2007).
Les débuts du colonialisme ont perturbé les schémas habituels de migration. Entre le XVIe et le XIXe siècle, les commerçants européens ont réduit en esclavage et transporté de force entre 12 et 15 millions de personnes d'Afrique de l'Ouest et centrale vers les Amériques. L'introduction de frontières et de réglementations sur la liberté de mouvement par les gouvernements coloniaux au XIXe siècle a conduit à une diminution de la mobilité intrarégionale (De Haas et al, 2019), et les politiques économiques coloniales ont encore modifié les schémas de migration. Le recrutement de travailleurs contractuels et forcés ainsi que le développement des infrastructures de transport ont entraîné des niveaux élevés de migration de la région sahélienne, en particulier du Mali puis de la Haute-Volta, vers les plantations et les mines de la Gold Coast (Ghana) et de la Côte d'Ivoire (Adepoju, 2005).
L'immigration en provenance d’autres régions est restée faible pendant la période coloniale, sauf exceptions telles que la migration des colons noirs américains vers le Liberia au milieu du XIXe siècle et la migration du Liban à partir de la fin du XIXe siècle. Relativement peu d'Européens se sont installés de façon permanente dans la région par rapport à l'Afrique du Nord ou australe.
Période postindépendances
La plupart des pays d'Afrique de l'Ouest ont accédé à l'indépendance au début des années 1960. Cependant, les schémas de migration établis sous le colonialisme se sont largement maintenus. Les travailleurs migrants de longue durée et migrants saisonniers se déplaçaient régulièrement des pays enclavés du Sahel vers les zones côtières du Ghana, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal qui abritaient une importante production de cultures commerciales (Yaro, 2008). Les mouvements à travers les frontières nationales poreuses, souvent dessinées sans tenir compte de la répartition des groupes ethniques et linguistiques, sont restées courantes (Adepoju, 1997). Après le choc pétrolier de 1973, le Nigeria a également accueilli un nombre croissant de migrants (Yaro, 2008).
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), fondée en 1975, a encouragé les mouvements migratoires internes à la région en assouplissant les restrictions de mobilités entre les pays membres. Dans le même temps, plusieurs crises économiques successives ont entraîné à la fois l'expulsion massive de migrants, notamment au Ghana (1969) et au Nigeria (1983 et 1985), et des niveaux élevés de migrations de retour de migrants en Côte d'Ivoire (Bakewell et De Haas , 2007; Yaro, 2008).
Outre les migrations économiques, les conflits au Liberia (1989-1996), en Sierra Leone (1991-2001) et en Côte d'Ivoire (2002-2004), des années 1990 au début du XXIe siècle ont entraîné des déplacements internes massifs et d'importantes populations de réfugiés dans toute la région.
Temps présent
Les niveaux de migration en Afrique de l'Ouest restent aujourd’hui élevés. Le nombre total d'émigrants a plus que doublé au cours des 30 dernières années, bien que leur part de la population soit restée raisonnablement stable, entre 2,8% au milieu de 1990 et 2,6% au milieu de 2020. Ce pourcentage varie considérablement d'un pays à l'autre, allant de 0,87% au Nigeria et 1,7% au Niger à 7,7% au Burkina Faso et 33,79% au Cap-Vert (UN DESA, 2020).
La plupart des émigrés d'Afrique de l'Ouest migrent vers un pays voisin, mais la part de la migration à destination d’autres régions a augmenté. Au milieu de l'année 2020, 64% des migrants d'Afrique de l'Ouest vivaient dans un autre pays de la région, contre 80% au milieu de l'année1990. Les niveaux les plus élevés de migration intrarégionale proviennent de pays à faible revenu ou enclavés (à l'exception notable de la Côte d'Ivoire). Plus de 97% des migrants du Burkina Faso vivent dans un autre pays d'Afrique de l'Ouest, tout comme plus de 90% des migrants du Niger et plus de 75% du Bénin, de Côte d'Ivoire, du Mali, et du Togo (UN DESA, 2020).
Les migrants des zones côtières les plus prospères, notamment au Nigeria, au Ghana et au Sénégal, émigrent de plus en plus hors de la région. Le pourcentage de migrants d'Afrique de l'Ouest en Europe est passé de 12% au milieu de l'année 1990 à 198% au milieu de l'année 2020, et la part en Amérique du Nord est passée de 3% à 109% au cours de la même période, les destinations étant en partie attribuables au liens issus du passé colonial et des langues communes (UN DESA, 2020).
Les migrations vers l'Afrique de l'Ouest ont augmenté en chiffres absolus, mais ont diminué en pourcentage de la population, passant de 2,5% en 1990 à 1,9% en 2020. Cependant, cette tendance à la baisse s'explique en grande partie par une réduction du nombre de réfugiés depuis les années 1990. La Côte d’Ivoire continue d’accueillir le plus de migrants, à la fois en chiffres absolus et en pourcentage de sa population. Le Nigeria accueille le deuxième plus grand nombre de migrants, avec 1,3 million, tandis que la Gambie abrite la deuxième plus grande proportion de migrants en pourcentage de sa population, à 8,8% (UN DESA, 2020).
Après la fin des conflits au Liberia, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire, les déplacements forcés en Afrique de l’Ouest ont considérablement diminué. En 2009, le nombre de réfugiés dans la région avait chuté à moins de 12% de son pic des années 90 (HCR, 2020). Néanmoins, les déplacements forcés, liés à l'escalade de la violence dans les régions du Bassin du lac Tchad et du Sahel central, ont fortement augmenté ces dernières années (voir Tendances récentes).
Sources de données
Les sources de données migratoires régionales en Afrique de l'Ouest sont très limitées. Bien que la CEDEAO s'emploie à harmoniser la collecte de données entre les pays de la région, elle publie actuellement très peu de données. Cependant, de nombreuses organisations internationales publient des données qui incluent l'Afrique de l'Ouest, et les données de recensement et d'enquêtes au niveau des pays sont publiées en ligne de manière plus systématique.
Sources de données régionales et internationales
- La CEDEAO publie des statistiques sur le nombre de résidents étrangers, par pays ainsi qu’au niveau régional. Ces données ont été mises à jour pour la dernière fois en 2016.
- Le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (UN DESA) produit des estimations régulières du stock de migrants internationaux ventilées par âge, sexe, origine et destination.
- L'OIM recueille diverses données sur les populations migrantes et les personnes déplacées internes, par le biais de la Matrice de suivi des déplacements (DTM en anglais), y compris des informations sur les nombres, les flux, la localisation, les profils, les vulnérabilités et les conditions de vie des populations cibles. Certains ensembles de données sont présentées au travers de bases de données brut, tandis que d'autres données sont fournies via des tableaux de bord et des rapports. La DTM opère actuellement au Burkina Faso, en Guinée, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Nigeria et au Sénégal. L'OIM publie également des rapports réguliers contenant des données sur les migrants assistés par ses programmes d'aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR), y compris des informations sur les pays d'accueil et d'origine, le sexe, l'âge et les vulnérabilités des bénéficiaires.
- Le portail de données de l’Organisation internationale du travail (OIT), ILOSTAT, comprend plusieurs indicateurs nationaux sur les migrations de main-d’œuvre et les accidents du travail, ventilés par statut migratoire.
- Le HCR gère la base de données statistiques sur les populations de réfugiés dans le monde, qui comprend des données sur les réfugiés, les demandeurs d'asile, les PDI et autres populations relevant de la compétence du HCR, déclarées par pays d'origine et par pays d’accueil. Des tableaux de bord dédiés pour certains pays d’Afrique de l'Ouest sont disponibles sur le portail des opérations du HCR.
- L'Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) publie des données sur les stocks de personnes déplacées internes (PDI) et les nouveaux déplacements dus aux conflits et aux catastrophes dans sa base de données sur les déplacements internes.
- Le Counter Trafficking Data Collaborative (CTDC) publie des données anonymisées sur les cas identifiés de traite des êtres humains fournies par des organisations de lutte contre la traite.
- La Banque mondiale produit des données sur les transferts de fonds (entrées et sorties).
- Afro baromètre a publié des données sur les plans d'émigration et les motifs de migration en Afrique de l’Ouest à partir d’enquêtes menées dans 14 pays d'Afrique de l'Ouest (2016-2018).
- L'Union africaine a publié deux rapports sur les statistiques relatives à la migration de travail en Afrique, avec des estimations sur le nombre de travailleurs migrants présents dans la CEDEAO.
Données tirées des recensements et des enquêtes ménages
- Recensements de la population et des logements : 15 pays d'Afrique de l'Ouest ont effectué des recensements lors du cycle de recensement de 2010. La Division de la statistique des Nations Unies (ONU DAES) compile les questionnaires utilisés lors des recensement pour la plupart des pays. Les rapports et données, y compris sur les migrations, sont disponibles auprès des bureaux nationaux de statistique.
- Enquêtes sur la population active : Au moins 10 pays d'Afrique de l'Ouest ont mené des enquêtes sur la population active ces dernières années. L’OIT fournit une liste de questionnaires et de rapports par pays.
- Enquêtes démographiques et sanitaires (EDS) : Tous les pays d'Afrique de l'Ouest à l'exception de la Guinée-Bissau ont mené des enquêtes EDS. Les ensembles de données et les rapports sont disponibles en ligne, bien que les informations sur la migration soient limitées.
- Étude sur la mesure des niveaux de vie (EMNV) : Les enquêtes EMNV de la Banque mondiale ont été menées dans six pays d’Afrique de l’Ouest. Les données sont disponibles en ligne mais comprennent des informations limitées sur la migration.
- L’initiative du mécanisme de suivi des migrations mixtes (4Mi) du Centre des migrations mixtes (MMC) collecte des données au moyen d’entretiens individuels, couvrant des sujets tels que les itinéraires, les motifs et raisons et les vulnérabilités. En Afrique de l'Ouest, 4Mi collecte des données au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Les données ne sont pas publiées, mais MMC produit des rapports et d'autres analyses.
- OCHA gère le Humanitarian Data Exchange (HDX), une plateforme de données pour le partage de données humanitaires. De nombreuses organisations intergouvernementales, institutions gouvernementales et organisations de la société civile travaillant en Afrique de l'Ouest ajoutent des ensembles de données sur cette plateforme.
- REACH publie des données et des analyses détaillées dans les zones de crise via son centre de ressources. L’organisation est présente au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Nigeria.
- ACAPS produit des rapports et analyses basés sur des données sur les questions humanitaires au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Nigeria et au Sénégal.
Des données fiables et à jour sur la migration font défaut dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest, et les données existantes sont difficiles à comparer et à agréger car les définitions de la migration, les périodes de référence et les systèmes de classification ne sont pas harmonisés entre les pays (OIM et FMM Afrique de l'Ouest, 2018; Union Africaine 2020).
La plupart des données démographiques de la sous-région proviennent de recensements, qui fournissent une couverture complète de l'ensemble de la population, mais qui ne sont pas assez actualisées (MMC, 2017). Ces données sont souvent hétérogènes car certains pays ne ventilent pas les données sur la migration par âge ou ne se basent pas sur les mêmes catégories d'âge (Awumbila et al, 2014). La migration peut être déterminée par pays de naissance ou de citoyenneté (MMC, 2017), et les codes de catégories de réponses ne sont pas harmonisés, ce qui signifie que pour la plupart des migrants, le pays d'origine ne peut pas être identifié (OIM, 2008). Les enquêtes ménages peuvent fournir un niveau de détail plus précis que les recensements, mais peu d'enquêtes en Afrique de l'Ouest incluent des questions sur la migration, les méthodes d’échantillonnage ne sont pas toujours appropriées pour mesurer avec précision les migrations et les enquêtes thématiques spécifiques aux migrations sont rares (OIM, 2008).
Les données sur les stocks de migrants produites par les bureaux nationaux de statistique et UN DESA sont les informations les plus fiables sur les migrations disponibles en Afrique de l'Ouest. Les statistiques nationales sur les flux migratoires et l'émigration sont limitées car peu de pays incluent des questions à ce sujet dans les recensements et les enquêtes ménages (OIM, 2008; Awumbila et al, 2014), et les données administratives sont trop lacunaires pour mesurer la migration de manière statistiquement robuste (OIM, 2018). Certaines thématiques spécifiques liées à la migration, qui présentent pourtant un intérêt particulier en Afrique de l'Ouest, tels que la migration temporaire, circulaire et irrégulière, sont particulièrement difficiles à enregistrer et suivre via les méthodes de collecte de données couramment utilisées (Awumbila et al, 2014).
Des organisations internationales comme UN DESA, l'OIT et le HCR utilisent différentes méthodologies et sources de données, y compris les données de recensement et d'enquêtes, les exercices d'enregistrement et les estimations, pour pallier les différences de disponibilité et de qualité des données au niveau des pays et produire des statistiques comparables. En tant que telle, la fiabilité des données produites dépend fortement de ces sources et des méthodes sous-jacentes. Les données de UN DESA sont régulièrement mises à jour pour tous les pays. Cependant, ces données contredisent souvent les données tirées des sources nationales. Par exemple, le dernier recensement de la Côte d’Ivoire en 2014 a dénombré plus de deux fois plus d’immigrants vivant dans le pays que les chiffres UN DESA au cours de la même période (Fargues, 2020a, UN DESA, 2019). De même, les sources nationales de données en Mauritanie et au Niger enregistrent beaucoup moins d’émigrés que UN DESA (Fargues, 2020a).
Les sources de données non représentatives, telles que DTM et 4Mi, fournissent des données beaucoup plus actuelles que les recensements ou les enquêtes ménages. Elles captent également des informations sur des sujets d'intérêt pour les décideurs et responsables politiques qui ne sont généralement pas disponibles auprès d'autres sources, comme les flux migratoires, la migration irrégulière et les expériences, conditions de vie et besoins des personnes mobiles. Cependant, ces données ne sont disponibles que pour certaines zones géographiques et ne sont pas représentatives, ce qui rend l'analyse plus difficile (Fargues, 2020b).
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est le principal acteur responsable de la régulation des migrations en Afrique de l'Ouest3. La CEDEAO s'est concentrée sur la mobilité intrarégionale depuis sa création en 1975. Son traité fondateur, et le Traité révisé de 1993, appellent spécifiquement à la suppression des obstacles à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes dans la sous-région.
Afin de rendre opérationnels ces engagements, les États membres de la CEDEAO ont approuvé le Protocole de 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement, établissant formellement un cadre juridique contraignant régulant la migration en Afrique de l'Ouest. Les droits énoncés dans ce Protocole et dans les Protocoles additionnels devaient être progressivement mis en œuvre en trois phases dans les 15 ans suivant la ratification, mais la mise en œuvre a pris du retard.
- La phase 1, le droit d'entrée, autorise tous les citoyens de la CEDEAO possédant des documents de voyage valides à entrer dans n’importe quel État membre de la CEDEAO sans visa pour une période allant jusqu'à 90 jours. Ce droit a été largement respecté, malgré les problèmes persistants liés à la difficulté d’obtenir des documents d'identité et le harcèlement aux points de passage des frontières (ICMPD et OIM, 2015).
- La phase 2, le droit de résidence, donne aux citoyens de la CEDEAO le droit à l'égalité de traitement lorsqu'ils vivent ou travaillent dans d'autres États membres. Ce droit a été largement respecté, même si certains pays continuent de restreindre l'accès à l’emploi dans certains secteurs pour les étrangers et n'ont pas établi de directives claires pour l'obtention de permis de séjour ou d'autorisation de travail (Ibid.).
- La phase 3, le droit d'établissement, donne aux citoyens de la CEDEAO le droit de mener des activités économiques et de créer des entreprises dans d'autres États membres, mais celui n’est que très peu respecté (Ibid.).
Des mesures telles que l'introduction de certificats de voyage et de passeports communs de la CEDEAO ont été mises en œuvre pour soutenir la mise en œuvre des protocoles de libre circulation. Des formalités aux frontières simplifiées ont également été proposées mais pas encore réalisées dans la plupart des pays. La pleine mise en œuvre des protocoles reste entravée par une harmonisation limitée des lois nationales avec les protocoles et politiques de la CEDEAO (Awumbila et al, 2014).
Des documents stratégiques non contraignants ultérieurs, tels que l'Approche Commune de la CEDEAO sur la Migration de 2008, ont renforcé la centralité de la liberté de mouvement au sein de la CEDEAO, tout en élargissant la portée des efforts de migration de la CEDEAO pour inclure la coordination sur la migration vers et depuis le bloc (Schöfberger, 2020).
Ces protocoles contraignants et documents stratégiques non contraignants confèrent à la CEDEAO le mandat d'harmoniser la collecte de données sur les migrations et les systèmes de notification au sein de la sous-région. Bien que la CEDEAO ne publie pas actuellement de rapports réguliers sur les données migratoires, plusieurs initiatives en cours, telles que FMM Afrique de l'Ouest et le Dialogue sur les migrations pour l'Afrique de l'Ouest (voir ci-dessous), favorisent la qualité et l'harmonisation de la collecte et de la gestion des données afin de rendre disponibles les données régionales sur les migrations pour une utilisation plus large.
L'Union africaine promeut la liberté de mouvement et de circulation sur tout le continent depuis sa création. L'Agenda 2063, adopté par les États membres en 2015, comprend des engagements visant à accroître l'intégration panafricaine à travers la mise en place de régimes sans visa et la création d'un passeport africain. Cependant, la mise en œuvre des politiques migratoires de l'Union africaine reste lente. Le protocole de 2018 relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement en Afrique, qui comprend des engagements contraignants en matière de droit d'entrée, de séjour et d'établissement, n'a été ratifié que par 4 des 55 États membres à la fin 2020.
L'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui comprend huit pays principalement francophones, a inclus des dispositions sur la liberté de circulation, de résidence et d'établissement dans ses traités fondateurs (Schöfberger, 2020). Tous les pays de l'UEMOA étant également membres de la CEDEAO, les progrès accomplis se sont largement déroulés au sein de la CEDEAO.
Dialogues régionaux sur la migration:
- Le Dialogue sur la migration pour l'Afrique de l'Ouest (MIDWA) est un processus consultatif régional sur la migration établi en 2001 pour promouvoir la coopération sur les questions et préoccupations communes relatives à la migration entre les États membres et les partenaires de la CEDEAO.
- Le Dialogue euro-africain sur la migration et le développement (Processus de Rabat) est un forum interrégional réunissant des pays africains et européens et des organisations régionales pour discuter des questions techniques et politiques liées à la migration et au développement.
Lectures complémentaires
Organisation internationale pour les migrations, 2020. Migration in West and North Africa and across the Mediterranean: Trends, risks, development and governance.
Centre international pour le développement des politiques migratoires et Organisation internationale pour les migrations, 2015. Enquête sur les Politiques Migratoires en Afrique de l'Ouest.
Awumbila, M., Y. Benneh, J.K. Teye et G. Atiim, 2014. Traverser des frontières artificielles: Une évaluation des migrations professionnelles dans la région CEDEAO. Observatoire ACP sur les migrations.
Organisation internationale pour les migrations, 2020. Regional Mobility Mapping: West and Central Africa, June 2020.
Organisation internationale pour les migrations, 2019. Migration Data on the Central Mediterranean Route: What Do We Know? Série d’informations du GMDAC: Vers une migration plus sûre en Afrique: Migration et données en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Organisation internationale pour les migrations, 2018. Guidelines for the Harmonization Of Migration Data Management in the ECOWAS Region.
Secrétariat régional des migrations mixtes (RMMS) Afrique de l'Ouest, 2017. Mixed Migration in West Africa: Data, Routes and Vulnerabilities of People on the Move.
Union africaine, 2020. Report on Labour Migration Statistics in Africa, Second Edition
Organisation internationale pour les migrations, 2008. Enhancing Data on Migration in West and Central Africa.
1 Tel que définie par la Division de la statistique des Nations Unies. Bénin, Burkina Faso, Cabo Verde, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo.
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