Migration de main-d’œuvre
En 2019, il y avait 169 millions de travailleurs migrants internationaux dans le monde et ils constituaient 4,9 % de la population active mondiale dans les pays de destination (OIT, 2021). Ces travailleurs migrants internationaux représentaient environ 69 % de la population mondiale de migrants internationaux en âge de travailler (15 ans et plus) en 2019 (OIT, 2021). Traverser les frontières nationales pour travailler est l'une des principales motivations de la migration internationale, qu'elle soit motivée par les inégalités économiques, la recherche d'un emploi, ou les deux. L'impact supplémentaire des crises économiques, politiques et environnementales et l'évolution de la démographie, avec le vieillissement des populations dans certaines régions du monde et la "poussée des jeunes" dans d'autres, contribuent à l'augmentation de la migration de la main-d'œuvre (Ozel et al., 2017).
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Définition
Il n’existe pas de définition de la migration de main-d’œuvre universellement acceptée pour les statistiques. Toutefois, les principaux acteurs de la migration de main-d’œuvre sont les travailleurs migrants, que l’Organisation internationale du Travail (OIT) définit comme suit :
« … tous les migrants internationaux qui travaillent actuellement ou qui sont au chômage et à la recherche d’un emploi dans leur pays de résidence. » (OIT, 2015).
La Division de statistique de l’ONU donne également une définition statistique des travailleurs migrants étrangers :
« Les étrangers admis par l’État d’accueil dans le but spécifique d’y exercer une activité économique rémunérée dans ce pays. La durée de leur séjour est souvent limitée, tout comme celle de l’emploi qu’ils peuvent exercer. Les personnes à leur charge, si elles sont admises, entrent également dans cette catégorie. » (Division de statistique de l'ONU, 2017).
Les travailleurs migrants sont souvent aussi des migrants internationaux, mais ce n’est pas systématique (voir tableau ci-dessous). Il est important de noter la différence entre la définition d’un travailleur migrant et celle d’un migrant international. Un migrant international est défini comme suit :
« toute personne qui change de pays de résidence habituelle » (DAES, 1998).
Les données sur la population de migrants internationaux s’appuient principalement sur le pays de naissance (s’il est différent du pays de résidence). Lorsqu’aucune information sur les personnes nées à l’étranger n’est disponible dans les recensements, les données sur la population de migrants internationaux s’appuient sur le pays de nationalité (DAES, 2016 :4 ; Division de statistique de l’ONU, 2017). Les travailleurs migrants sont définis en fonction de leur nationalité plutôt que de leur pays de naissance (OIT, 2015).
Type de migrant | S’agit-il d’un travailleur migrant étranger ? | S’agit-il d’un migrant international ? |
---|---|---|
Citoyen du pays de résidence qui travaille et est né dans un autre pays | Non, car il n’a pas migré pour trouver un travail | Oui, car le pays de naissance est différent du pays de résidence (voir définition dans Population de migrants internationaux) |
Personne née dans le pays en question et y travaillant, mais qui n’en a pas la nationalité | Oui | Non |
Citoyen revenant travailler dans le pays en question après avoir travaillé à l’étranger | Non, car il a la citoyenneté de son pays d’origine | Oui, en raison du changement de pays de résidence |
Les travailleurs frontaliers (qui résident dans un pays mais travaillent dans un autre)* | Oui | Non |
Agent consulaire* | Oui | Non |
Personnel militaire* |
Oui | Non |
Tendances principales
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), il y avait en 2019 environ 169 millions de travailleurs migrants dans le monde (OIT, 2021).Plus des deux tiers de l'ensemble des travailleurs migrants étaient concentrés dans les pays à revenu élevé et environ 60,6% se trouvaient dans trois sous-régions: 24,2% en Europe du Nord, du Sud et de l'Ouest; 22,1% en Amérique du Nord; et 14,3% dans les Etats Arabes (ibid.). L'importance de ces trois principales sous-régions en termes de nombre de travailleurs migrants internationaux qu'elles accueillent n'a pas diminué au fil du temps. Selon les estimations précédentes, ces trois mêmes sous-régions - Europe du Nord, du Sud et de l'Ouest; Amérique du Nord; et Etats arabes - accueillaient les plus grandes parts de tous les travailleurs migrants: 60,2 % en 2013 et 60,8% en 2017 (ibid.).
Parmi tous les travailleurs migrants dans le monde en 2019, 70 millions, soit environ 41,5 pour cent, étaient des femmes. Les travailleurs migrants masculins représentaient 99 millions, soit 58,5% du total (ibid.). Les femmes représentent une part plus faible du total des travailleurs migrants internationaux car elles représentent également une part plus faible du total des migrants internationaux (47,9%) et elles ont un taux de participation au marché du travail relativement plus faible par rapport aux hommes (59,8% contre 77,5%)(ibid.). Cependant, il existe des variations régionales significatives dans la part des femmes parmi le total des travailleurs migrants En Europe du Nord, du Sud et de l'Ouest, les femmes représentent plus de 50,0 % de l'ensemble des travailleurs migrants ; dans les Etats Arabes, cette part est inférieure à 20,0% (ibid.).
Les adultes de premier âge (25-64 ans) constituaient 86,5% de tous les travailleurs migrants (ibid.). Environ 10 % de tous les travailleurs migrants en 2019 avaient entre 15 et 24 ans (ibid.). La part des travailleurs âgés (65 ans et plus) parmi les travailleurs migrants constituait 3,6 % (ibid.).
Le secteur des services était le principal employeur des travailleurs migrants, employant 66,2% de l'ensemble des travailleurs migrants et près de 80% du total des travailleuses migrantes dans le monde (ibid.). Une demande croissante de main-d'œuvre dans l'économie des soins (y compris dans la santé et le travail domestique), où la main-d'œuvre est majoritairement féminine, pourrait expliquer en partie la part élevée de travailleuses migrantes dans le secteur des services (ibid.). Quant aux autres travailleurs migrants, 26,7% travaillaient dans l'industrie et 7,1% dans l'agriculture (ibid.).
Sources et mesure des données
Les données sur la migration de main-d’œuvre et sur les travailleurs migrants sont recueillies de plusieurs manières. Les cinq principales sources de données utilisées pour mesurer les flux et la population de travailleurs migrants sont les suivantes :
- Recensements de la population
- Enquêtes auprès des ménages
- Enquêtes sur la population active
- Sources administratives et
- Sources statistiques (OIT, 1994/5).
Les sources administratives utilisées pour mesurer les flux de travailleurs migrants incluent le nombre de nouveaux visas d’entrée ou d’immigration, le nombre de nouvelles autorisations à travailler dans un pays, les registres administratifs des entrées aux frontières et les arrestations d’immigrés clandestins aux frontières (ibid.). Le calcul de la population de migrants comprend le nombre total de visas d’entrée ou d’immigration et de permis de travail dans le pays, ainsi qu’une estimation de la population de citoyens étrangers clandestins.
D’autres évaluations relatives à la migration de main d’œuvre tiennent compte des frais de recrutement et des rapatriements de fonds. L’adoption de mesures destinées à faire baisser les frais de recrutement peut constituer un indicateur d’une bonne gouvernance des migrations de main-d’œuvre, comme l’indiquent les objectifs de développement durable (ODD) (Ratha, 2014). Il est difficile de considérer les rapatriements de fonds comme un indicateur de la migration de main – d’œuvre dans les pays où la présence de l’ONU, d’ambassades ou de grandes sociétés transnationales est importante, parce que les revenus de leur personnel sont enregistrés comme des rapatriements de fonds, ce qui accroît considérablement les chiffres.
Collecte de données au niveau mondial
L’OIT gère une base de données en ligne sur les statistiques du travail (ILOSTAT), ainsi qu’un ensemble d’enquêtes sur la population active réalisées auprès des ménages dans le cadre de statistiques liées au travail.
ILOSTAT porte sur diverses questions relatives au travail, notamment la migration de main-d’œuvre. Les indicateurs dans ce domaine sont divisés en trois sous-thèmes : la population de migrants internationaux, les ressortissants à l’étranger et les flux migratoires internationaux.
En outre, l’OIT a publié en 2015 des Estimations mondiales concernant les travailleuses et les travailleurs migrants ; ce document fournit des estimations sur les travailleurs migrants aux niveaux mondial et régional et par groupe de pays aux revenus comparables.
La Division de statistique de l’ONU recueille, rassemble et diffuse des statistiques démographiques et sociales officielles sur un certain nombre de sujets, notamment l’emploi.
La Base de données sur les immigrés dans les pays de l’OCDE et dans les pays non-OCDE (DIOC) rassemble des données fondées sur les recensements de la population des pays de l’OCDE, ainsi que sur ceux des pays non membres de l’OCDE grâce à la collaboration de la Banque mondiale. Cette base de données contient des informations sur la situation sur le marché du travail, telles que le statut, la profession et le secteur d’activité. Les ensembles de données couvrent les années 2000-2001, 2005-2006 et 2010-2011.
L’Integrated Public Use Microdata Series – International (IPUMS-I) recueille et diffuse les données de recensement de 85 pays. Cette base de données comprend des questions et enquêtes portant sur la population active.
Collecte de données au niveau régional
Europe
La base de données d’Eurostat fournit des données exhaustives et harmonisées sur le travail forcé provenant de 27 États membres de l’Union européenne et de six autres pays. Elle contient également des données sur les permis de séjour classés en fonction de la durée de validité, de la citoyenneté et du motif, notamment les activités rémunérées (emploi). Un ensemble de données (migr_resocc) est ventilé selon les catégories suivantes : travailleurs hautement qualifiés, chercheurs, travailleurs saisonniers et autres.
Afrique
En collaboration avec l’OIT, l’Union africaine a publié la première édition du rapport sur les statistiques de la migration de main-d’œuvre en Afrique en 2017. Ce rapport, qui couvre la période de 2015, s’appuie principalement sur les recensements de la population et des logements, ainsi que sur les projections démographiques et les enquêtes sur la population active.
Asie
La base de données sur les statistiques relatives aux migrations internationales de main-d’œuvre (International Labour Migration Statistics Database, ILMS) de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) regroupe des données officielles sur la population et les flux des travailleurs migrants dans la région, ainsi que des informations sur les ressortissants vivant et travaillant à l’étranger. Les données disponibles sont variables mais se situent entre 1990 et 2015.
Pacifique
Le guide International Labour Migration Statistics : A Guide for Policymakers and Statistics Organizations in the Pacific (Statistiques de la migration internationale de main-d’œuvre : Guide à l’intention des responsables politiques et des organisations du Pacifique) établi par l’OIT, la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), fournit des données sur la migration de main-d’œuvre dans la région. Il présente également des recommandations en vue de l’amélioration des statistiques relatives à la migration internationale de main-d’œuvre, ainsi que sur la manière de recueillir des données à partir des recensements, enquêtes et sources de données administratives.
Autres
La base de données de l’OCDE sur les migrations internationales fournit des séries de données annuelles sur les flux migratoires et la population de migrants internationaux dans les pays de l’OCDE. Elle donne également des informations sur la situation des migrants sur le marché du travail de 2012 à 2016.
Back to topPoints forts et limites des données
Les données sur la migration de main-d’œuvre sont dispersées, notamment parce qu’il est difficile de recueillir des données fiables sur les travailleurs migrants. Selon le manuel du Groupe mondial sur la migration pour l’amélioration de la collecte et l’utilisation des données relatives à la migration en faveur du développement (Handbook for Improving the Production and Use of Migration Data for Development, 2017), la collecte de données est entravée par les lacunes et difficultés suivantes :
- L’insuffisance de la qualité des données : absence de populations qui auraient présenté un intérêt, incohérence des périodes de collecte de données, caractéristiques clefs non recueillis
- Les données sont difficiles à comparer en raison de la diversité des concepts, des définitions et des méthodes d’évaluation
- Le manque d’infrastructures de traitement des données dans les institutions nationales ou aux points de passage des frontières
- Les compétences techniques des agents qui collectent et analysent les données peuvent être insuffisantes
- La pénurie d’infrastructures pour recenser les caractéristiques, populations ou lieux présentant un intérêt
- L’importance accordée à la migration de main-d’œuvre dans les programmes politiques nationaux et les allocations budgétaires est insuffisante.
Des efforts sont actuellement déployés pour harmoniser les normes internationales et méthodologies communes concernant la collecte de données relatives à la migration de main-d’œuvre. À l’heure actuelle, ces normes et méthodes varient d’un pays à l’autre, ce qui rend les données impossibles à comparer ou à combiner.
Le Module migration de main-d’œuvre de l’OIT constitue un outil précieux pour la collecte de données fiables sur les différents aspects de la migration de main-d’œuvre ; il comprend une série de questions liées à la migration qui peuvent être ajoutées aux enquêtes sur les ménages et celle de la population active.
Lectures supplémentaires
ILO, OECD, World Bank | |
2015 | The Contribution of Labour Mobility to Economic Growth. September. Joint paper prepared for the G20 Labour and Employment Ministers’ Meeting. |
ILO | |
2021 | ILO global estimates on migrant workers: Results and methodology. International Labour Office, Geneva: ILO. |
2018 | ILO global estimates on migrant workers: Results and methodology. International Labour Office, Geneva: ILO. |
Kagan, S. and J. Campbell | |
2015 | International Labour Migration Statistics: A Guide for Policymakers and Statistics, Organizations in the Pacific. EU/ESCAP/ILO/UNDP Project on Strengthening Capacity of Pacific Island Countries to Manage the Impact of Climate Change on Migration; ILO Office for Pacific Island Countries, Suva: ILO 2015. |
Ozel, M. H., et al. | |
2017 | Work. In: Handbook for Improving the Production and Use of Migration Data for Development (Global Migration Group (GMG)). Global Knowledge Partnership for Migration and Development (KNOMAD), World Bank, Washington, DC, p. 33-44. |
Ozel, M. H., et al. | |
2017 | Labour Markets. In: Handbook for Improving the Production and Use of Migration Data for Development (Global Migration Group (GMG)). Global Knowledge Partnership for Migration and Development (KNOMAD), World Bank, Washington, DC, p. 79-90. |