Migration familiale
La famille est un moteur essentiel de la migration. La migration familiale est le terme utilisé pour qualifier la migration de personnes qui migrent en raison de liens familiaux récents ou de longue date, et comprend plusieurs sous-catégories : réunion avec un membre de la famille ayant migré plus tôt (une personne bénéficiant d’une protection subsidiaire a également le droit de retrouver des membres de sa famille) ; membres de la famille accompagnant un migrant principal ; mariage entre un immigrant et un national ; mariage entre un immigrant et un étranger vivant à l’étranger ; et adoptions internationales.
En général, les données sur la migration familiale sont rares, et les programmes de regroupement familial constituent les principaux moyens de collecte de ces données. Ces programmes ont été élaborés en vue d’assurer le droit à la famille ancré dans l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les données sur la migration familiale reposent sur les visas et les permis de résidence octroyés aux membres de la famille ainsi que sur les registres de population.
Définitions
La migration familiale est un terme général qui englobe le regroupement familial, la formation d’une famille, les membres de la famille qui accompagnent les travailleurs, et l'adoption internationale. Les termes et notions clés sont listés ci-dessous.
Le regroupement familial (droit au) est le droit des non-ressortissants d’entrer et de séjourner dans un pays où des membres de leur famille résident légalement ou dont ils possèdent la nationalité, afin de maintenir l’unité familiale (OIM, 2019).
La formation d’une famille désigne une situation dans laquelle « un résident ayant la nationalité du pays ou non épouse un(e) étranger(e) et parraine cette personne pour qu’elle soit admise dans le pays ou qu’elle change de statut » (OCDE, 2017).
La famille accompagnante désigne « les membres de [la] famille [qui] sont admis en même temps que le migrant principal » (OCDE, 2017).
L’adoption internationale désigne une situation dans laquelle « un résident ayant la nationalité du pays ou non adopte un enfant de nationalité étrangère résidant à l’étranger » (OCDE, 2017).
Le demandeur principal dans le contexte migratoire est la personne présentant une demande de statut d’immigration ou d’asile et au nom duquel la demande est effectuée (OIM, 2019).
Une personne à charge désigne dans le contexte migratoire une personne autorisée à entrer dans un État aux fins de regroupement familial sur la base du soutien d'un «sponsor», avec lequel la personne a une relation familiale avérée (OIM, 2019).
Les membres de la famille s’entendent des personnes mariées à un migrant ou ressortissant ou ayant avec ceux-ci des relations qui, en vertu de la loi applicable, produisent des effets équivalant au mariage, ainsi que de leurs enfants à charge et d’autres personnes à charge qui sont reconnues comme membres de la famille en vertu de la législation applicable ou d’accords bilatéraux ou multilatéraux applicables entre les États intéressés, y compris quand ils ne sont pas ressortissants de l’Etat (OIM, 2019).
La portée du regroupement familial dépend de la législation nationale. Par exemple, certains pays peuvent inclure les partenaires de même sexe (enregistrés ou mariés) ou les partenaires non mariés, d’autres non (Réseau européen des migrations, 2017). La définition des membres de la famille peut donc varier dans les différents pays.
Les familles transnationales sont des familles qui vivent séparées, mais créent et conservent un sentiment d’entraide collective et d’unité, autrement dit d’appartenance familiale, même par-delà les frontières nationales (Bryceson et Vuorela, 2002 in ACP, 2012).
Tendances récentes
Les données sur la migration familiale dans les pays en développement sont soit rares, soit dispersées, du fait de capacités insuffisantes ou d’un manque de volonté politique aux fins de la collecte des données (voir Points forts et limites des données). Cependant, les données sur la migration familiale sont disponibles pour les pays de la zone OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Au cours du premier semestre 2020, les flux migratoires vers la plupart des pays de l'OCDE ont diminué en raison des restrictions imposées pour contenir la propagation du COVID-19; cependant, ils ne se sont pas complètement arrêtés. Les afflux de non-ressortissants se sont poursuivis en raison des migrants qui ont été autorisés à entrer sur la base des exceptions courantes - parmi eux, les migrants voyageant pour des raisons familiales. Par exemple, parmi d'autres catégories exceptionnelles, l'Irlande a traité les demandes de visa de migrants qui étaient des membres de la famille immédiate de ressortissants irlandais (OCDE, 2020).
Parmi les pays de l'OCDE, les migrations familiales (y compris les membres de famille de migrants qui les accompagnent) représentaient 41% - environ 1,9 million de migrants - du total des flux migratoires permanents en 2018 (OCDE, 2020). La migration familiale a légèrement augmenté de 40% en 2017 à 41% en 2018 en termes relatifs, mais elle a légèrement diminué en chiffres absolus, plus précisément de près de 2 millions en 2017 à 1,9 million en termes absolus en 2018. Le nombre de membres de la famille accompagnant les travailleurs migrants était de 262 300 en 2018 (ibid).
Les États-Unis ont accueilli 40% (768 300) du nombre total de migrants pour raisons familiales vers les pays de l’OCDE en 2018, ce qui représente une baisse de 3 points de pourcentage par rapport à 2017 (OCDE, 2020). En 2018, le flux de migration familiale a augmenté dans certains pays de l’OCDE tels que le Royaume-Uni, le Luxembourg, le Japon et les Pays-Bas. Une forte baisse des migrations pour raisons familiales a été observé en Nouvelle-Zélande, outre les États-Unis (ibid.).
Entre 2014 et 2018, la migration familiale s’est intensifiée dans la majorité des pays de la zone OCDE (OCDE, 2017; 2020). Cependant, dans certains pays de l'OCDE, les flux de migration familiale ont baissé en raison de la réduction des programmes de regroupement familial (OCDE, 2019). Néanmoins, aucun pays n’a mis en place de restrictions pures et simples de la migration familiale, bien que la possible fin de la migration pour raisons familiales ait récemment fait l’objet de discussions aux États-Unis (MPI, 2017).
Malgré les programmes et instruments juridiques existants qui assurent le droit à une vie familiale, en 2012, les ressortissants de pays non membres de l’Union européenne établis dans l’UE qui ne vivent pas avec leur conjoint ou leur partenaire représentaient 5 à 7 % de ceux qui vivent ensemble – une proportion bien plus élevée que celle observée chez les ressortissants de pays de l’UE (MIPEX, 2014). Alors que les politiques de regroupement familial sont restées essentiellement les mêmes dans la majorité des pays couverts par le MIPEX depuis 2015, sept pays ont augmenté les restrictions (MIPEX, 2020).
Sources de données
Les données sur la migration familiale, concernant tant les flux que les populations, reposent essentiellement sur des registres administratifs nationaux. Les données sur les flux de migration familiale émanent des visas d’autorisation d’entrée, des premiers permis de résidence ou des registres de population. Les données sur la migration familiale relatives à la population sont basées sur le nombre de permis ou de résidents de longue durée. Certains pays associent des données administratives et des données d’enquêtes spécifiques sur la migration familiale, par exemple, l’enquête internationale sur les passagers (IPS), en vue d’améliorer la qualité des données. Les données sur la migration familiale sont également recueillies à l’aide d’enquêtes par sondage telles que des enquêtes annuelles sur la population, des enquêtes sur la population active ou des enquêtes sur le revenu et les conditions de vie. Les données qui procèdent d’enquêtes spécifiques ou d’études ethnographiques permettent de réunir des données détaillées en vue de mieux comprendre les arrangements familiaux transnationaux au-delà des frontières.
Les bases de données suivantes regroupent des données sur la migration familiale relatives aux flux ou aux populations :
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) centralise des données sur les entrées dans le cadre de la migration familiale, de la migration de main-d’œuvre et humanitaire. L’ensemble de données de l’OCDE sur les entrées d’immigrants permanents provient d’Eurostat (voir ci-dessous) et de pays non membres de l’UE. Il est actualisé à un rythme semestriel.
L’OCDE produit également des statistiques sur les entrées relevant de la migration permanente dans la zone OCDE, basées sur l’ensemble de données susmentionné, qui sont exposées dans les Perspectives des migrations internationales de l’OCDE. Ce rapport présente également des estimations relatives à la migration familiale pour les pays de l’OCDE et est actualisé tous les ans.
Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne, réunit des données sur l’asile et la gestion des migrations, qui reposent principalement sur des sources administratives fournies par les bureaux de statistique nationaux, les ministères de l’intérieur ou les services de l’immigration correspondants des États membres de l’UE ainsi que par l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse. La base de données d’Eurostat sur l’asile et la gestion des migrations présente les ensembles de données suivants :
- Premiers permis délivrés pour regroupement familial avec un bénéficiaire du statut de protection
- Permis délivrés pour la première fois pour raisons liées à la famille, par raison, durée de validité et nationalité
- Changements du statut d’immigration par raison et nationalité
- Membres de famille des titulaires de la carte bleue européenne qui ont été admis par type de décision et nationalité
- Titulaires de la carte bleue européenne et membres de leur famille, par État membre de résidence précédente
- Permis valables en fin d’année pour regroupement familial avec un bénéficiaire du statut de protection
Les ensembles de données mentionnés ci-dessous sont ventilés par sexe et par âge. Les données sont pour la majorité actualisées à un rythme annuel.
L’Index des politiques d’intégration des migrants (Migrant Integration Policy Index, MIPEX) mesure les politiques d’intégration des migrants, y compris de ceux qui migrent pour raisons familiales. Il existe actuellement huit indicateurs qui mesurent les politiques. En 2011/2012, l’indice MIPEX a mené une enquête visant à mesurer le degré de facilité avec lequel les immigrants peuvent retrouver les membres de leur famille. Les données sur le regroupement familial sont disponibles pour l’Australie, le Canada, les États-Unis, l’Islande, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée, le Royaume-Uni, la Suisse, la Turquie et les États membres de l’UE. La dernière actualisation des données sur le regroupement familial pour 2011/2012 date de 2014.
Points forts et limites des données
À la lumière du climat politique actuel, dans lequel la migration pour raisons familiales fait dans certains pays l’objet de discussions en lien avec la migration irrégulière ou la charge qu’elle représente pour le système social du pays d’accueil, il est indispensable de disposer de données détaillées sur la migration familiale pour déconstruire ces mythes en menant des réflexions informés par des données.
Les sources de données existantes sur la migration familiale constituent des points de référence précieux, mais il est capital de continuer à améliorer la collecte de données et les méthodes d’harmonisation. Des limites entravent ce processus d’amélioration, comme suit :
Il n’existe pas de base mondiale de données comparables sur la migration familiale qui couvre tous les pays et régions du monde. En effet, les données manquent dans la plupart des pays en développement, car ces derniers disposent de capacités insuffisantes aux fins de la collecte, du traitement et de la diffusion des données sur la migration familiale. Même lorsque des données sont disponibles, il est souvent difficile d’intégrer et d’harmoniser les ensembles de données d’origines diverses en raison de cadres méthodologiques hétérogènes.
On en sait toujours peu sur les dynamiques récentes de la migration familiale et sur les incidences des politiques migratoires sur cette dernière (OCDE, 2017), malgré la disponibilité de données sur la migration familiale dans certaines régions du monde. De plus, la base de données relatif aux caractéristiques démographiques et socioéconomiques de la migration familiale dans certains pays n’a pas été actualisé. Ainsi, aux États-Unis, les dernières enquêtes sur les caractéristiques sociodémographiques des migrants pour raisons familiales datent des années 2000 (ibid.).
Les statistiques reposant sur des registres administratifs décrivent le flux de migrants pour raisons familiales de manière incomplète (GMG, 2017). En effet, si les sources de données administratives permettent de produire des estimations relatives à la migration familiale, les statistiques fondées sur les registres de population et l’octroi de permis de résidence portent davantage sur des dossiers administratifs que sur des personnes (ibid.). Par exemple, si le permis délivré aux chefs de famille couvre une ou plusieurs personnes à leur charge, le nombre de permis de résidence émis chaque année ne correspond pas au nombre de migrants pour raisons familiales. Certains pays prennent des initiatives afin de s’attaquer à ce problème. En vue d’améliorer la qualité des données migratoires, ils associent généralement différents types de données, notamment des données d’enquêtes et des registres administratifs.
Les données sur les familles transnationales sont rares. Malgré l’importance croissante de ce type d’arrangement familial ces dernières années, on connaît encore mal l’ampleur et les dynamiques du phénomène dans le contexte migratoire. Des politiques fondées sur des faits sont nécessaires pour veiller à ce que la migration d’un membre de la famille ne fasse pas nécessairement souffrir ceux qui restent.
Les données sur l’émigration familiale sont à ce jour incomplètes parce que les pays n’ont pas les capacités ou la volonté politique nécessaires pour recueillir des données sur l’émigration familiale. Par conséquent, les décideurs n’ont pas à leur disposition une base de données suffisantes pour faciliter les processus d’émigration familiale.
Lectures Supplémentaires
Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) | |
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2017 | Making Integration Work: Family Migrants, OECD, Paris. |
2019 | International Migration Outlook, OECD, Paris. |
International Organization for Migration (IOM) | |
2019 | World Migration Report 2020, IOM, Geneva. |
Castro Martin, T., J. Koops, and D. Vono de Vilhena (eds.) | |
2019 | Migrant Families in Europe: Evidence from the Generations & Gender Programme. Discussion Paper No. 11, Berlin: Population Europe. |
Niskanen Center | |
2017 | Overview of Family-Based Immigration and the Effects of Limiting Chain Migration, Niskanen Center, Washington, D.C. |
Fan, C. and M. Sun and S. Zheng | |
2011 | Migration and split households: A comparison of sole, couple, and family migrants in Beijing, China, Environment and Planning A, 43: 2164-2185. |
European Migration Network (EMN) | |
2017 | Family Reunification of Third-Country Nationals in the EU plus Norway: National Practices, EMN, Dublin. |
Confederation of Family Organizations in the European Community (COFACE) | |
2012 | Transnational Families and the Impact of Economic Migration on Families, COFACE, Brussels. |